Par Gilles POTIER (photos personnelles)

« Gérard BOURGET, un Maître Peintre Verrier, dans le Val-de-Saire ».
« Je suis né le 2 novembre 1936 à Saint-Pierre-Eglise ».
C’est ainsi que commence la biographie de Gérard Bourget, dans son livre paru en 2022 et ayant pour titre : « Le vitrail / Traité de peinture sur verre ».
Malheureusement Gérard Bourget est décédé à Valognes le 1er juin 2024.
Bien sûr le livre est très technique avec amples informations sur les méthodes de peintures sur verre du 19e siècle. Cependant le livre reste abordable grâce à de nombreuses illustrations. Au début il sera question de la tête du Christ de Wissembourg, un fragment d’un vitrail roman du 11e siècle, qui décore la page de couverture du livre. On trouvera aussi dans le livre quelques exemples des réalisations de notre artiste, dont un fameux vitrail à Teurthéville-Bocage, que nous verrons plus loin. Et puis Gérard Bourget troquait facilement son tablier de peintre verrier contre une blouse de professeur. C’est ainsi qu’il aura vu défiler dans son atelier une bonne centaine de stagiaires (voir à la fin chapitre témoignages).
Renseignements divers :
– La signature sur les vitraux mentionne comme adresse soit Cosqueville, soit Saint-Pierre-Eglise.
– Il n’y a pas que le Val-de-Saire à posséder des vitraux de Gérard Bourget. On trouve bon nombre de ses réalisations principalement dans la Manche, dans le Cotentin, entre Cherbourg et Coutances. Mais aussi un peu dans l’Orne et peut-être ailleurs…
Et maintenant marchons sur les pas de Gérard Bourget, dans le canton du Val-de-Saire. Il s’agira d’églises, mais Gérard Bourget ne faisait pas que des vitraux pour des églises. Il travaillait aussi pour des particuliers et pour des administrations. Par exemple dans son livre on peut voir un écureuil à l’école maternelle de Quettehou. Et il y a aussi dans les productions de Gérard Bourget, des oiseaux et des fleurs. Joli joli. Précisons que dans la liste des églises ci-dessous, il sera question, dans la description, des autres vitraux vus sur place. Il aurait été indécent de parler « vitrail » avec Gérard Bourget, sans évoquer (même brièvement) les autres maîtres verriers rencontrés en chemin. Nul doute que Gérard Bourget était très attaché à la grande famille des maîtres verriers. On se doit donc d’en parler ici.
5 parties : Création – Restauration – Complément – Témoignages – Conclusion.
A) Création :
1- Aumeville-Lestre :

Vitrail de saint-Pierre avec sa clé, daté de 1999. Le dessin (tête et bras) ne correspond pas aux dessins habituels de notre artiste. Soit Gérard Bourget a changé de style, soit plus probablement il a travaillé selon un modèle (ce qui n’est pas rare dans la profession). Ce vitrail est à voir au niveau de la tribune. Une série de cinq vitraux décoratifs se trouve également dans le chœur. On peut penser raisonnablement que ces vitraux sont aussi l’œuvre de Gérard Bourget. Malheureusement et contrairement à l’habitude de notre artiste ces vitraux ne sont pas signés. Dans la nef il y a un autre vitrail contemporain avec beaucoup de petites pièces en couleur mais toujours pas de signature. En face de ce vitrail on remarque un autre vitrail ornemental dans le style du 19e siècle, tout à fait caractéristique des vitraux ornementaux de l’époque.
2- Gatteville-le-Phare : chapelle des Marins (ou N.D. de-Bon-Secours)


Deux vitraux décoratifs non datés dans le chœur. On trouve comme signature : G.Bourget, « Atelier des Murs » (c’est le nom de son atelier à Cosqueville). A noter que le chœur de la chapelle se termine par une authentique abside romane du 11e siècle avec des petites baies (voir aussi les modillons à l’extérieur). Et justement on a bien l’impression que la vitrerie des trois petites baies romanes est du même bain que les deux vitraux de Gérard Bourget…
3- Maupertus-sur-Mer :

Deux vitraux de l’abside (pas de date, mais peut-être qu’il y en a une ; il manque une échelle pour aller voir…).
Il s’agit d’un des grands symboles chrétiens : le Sacrement de l’Eucharistie.
Vitrail de gauche, c’est la vigne et le raisin, avec en haut un calice. Vitrail de droite, c’est le blé qui donnera le pain, avec vers le haut une hostie.
A noter que l’église a souffert pendant la guerre et que tous les vitraux ont été changés (verrières teintées avec losanges) sauf ceux du transept sud qui sont les vestiges des vitraux du 19e siècle de l’époque. Et puis l’abside a été décorée avec les deux vitraux de Gérard Bourget.
4- Octeville l’Avenel :



Trois vitraux décoratifs avec des panneaux de couleur, datés de 1971 (placés en haut de la nef, à proximité de l’autel secondaire où se trouve une jolie Vierge à l’Enfant en pierre polychrome du 13e siècle). Les autres vitraux de l’église sont essentiellement de Georges Sagot, Bayeux, en partie de 1935. Et puis dans le chœur nord, un vitrail de Godefroy Lecomte, Saint-Lô, de 1953. Au chevet se trouve un vitrail non signé mais contemporain des autres. Et pour finir un vitrail de Paul Bony, de 1949, au portail occidental (ce qui fait en tout cinq maîtres verriers).
5- Teurtheville-Bocage :


Un vitrail très animé daté de 1970. Fait partie des plus belles réalisations de Gérard Bourget. Bien que placé au nord (après la nef) le vitrail est lumineux. Essayons de le déchiffrer (de bas en haut), et ce n’est pas si facile que ça lorsqu’on le découvre pour la première fois :
– Le premier personnage en bas, est une femme semi-allongée. A ses côtés on trouve une inscription : « Cela est bon pour tromper la chair » et au-dessus de sa tête une autre phrase : « Malpropreté n’est pas sainte ».
– Au-dessus, c’est l’évocation de l’ordination du Bienheureux Thomas Hélye (Biville, dans la Hague). A droite, c’est l’évêque et à gauche c’est le saint homme. Il y a aussi des personnages qui sont des témoins de la cérémonie.
– Au-dessus, on voit un personnage montrant du doigt un autre personnage avec en avant de ce dernier un cheval. Et il y a un peu en-dessous une autre phrase « Tu ne jouiras pas de ta récolte ». Il se pourrait donc qu’il s’agisse d’un cultivateur (mot employé jadis) labourant son champ.
– Dans le dernier registre en haut, on imagine un personnage allongé (c’est Thomas Hélye) synonyme de mort. Et il y a à côté de lui le couvercle d’un cercueil et à droite on peut lire « Ave Maria ». Et juste au-dessus de « Ave Maria », on peut voir un crucifix et un calice ; c’est sûrement l’évocation du viatique (la communion pour les mourants). Pour les deux derniers personnages du haut, c’est l’arrivée au paradis du Bienheureux Thomas (dans la région de Cherbourg, on ne précise pas « Hélye », et on prononce en patois, ce qui donne : bi’n’heureux Thomas). Et puis une dernière inscription qui annonce la mort : « Entre tes mains Seigneur, je remets mon esprit ».
Nota : les personnages de ce vitrail sont tout à fait caractéristiques du style de Gérard Bourget. C’est en quelque sorte sa marque de fabrique.
NB : On peut ouvrir un petit chapitre pour les autres vitraux de l’église. On trouve 12 vitraux signés Charles Champigneulle, associé avec Henri Pinta, de 1932. Ce sont de grands personnages en pied comme ceux qu’on trouvait au 19e siècle alors que nous sommes en 1932… (les vitraux du chœur en forme de lancettes sont un peu plus élaborés). Ensuite au chevet se trouve une grande verrière archéologique, précisément un triptyque qui raconte, comme au 13e siècle, la vie des saints de l’église, de Antoine Lusson, associé à Léon Lefèvre, Paris, de 1875. Enfin un beau vitrail (pas très loin de celui de Gérard Bourget), signé Antoine Lusson, Paris, 1867 (il est un peu masqué par un autel). C’est aussi un vitrail archéologique même s’il y a quelques nuances. Pour Gérard Bourget, Lusson et Champigneulle font partie des grands maîtres verriers du 19e siècle (pour faire simple, on appelle vitraux du 19e siècle ceux qui sont apparus entre 1850 et 1900, il s’agit donc de la 2e moitié du 19e).
B) Restauration :
6- Saint-Pierre-Eglise :


Dans les années 1990, Gérard Bourget a restauré au moins quatre vitraux de l’église de Saint-Pierre-Eglise. On va en parler de deux :
Le 1er avec cette inscription portée sur le vitrail : « Restauration offerte par G.Bourget 1990 ».
Le 2e : « Restauré en 1994 par Gérard Bourget, St-Pierre-Eglise » (et idem pour un 3e, avec la date de 1991).
Dans le 1er cas (début du collatérale nord), la scène représente saint-Pierre libéré de sa prison par un ange.
Dans le 2e cas (début de la nef côté sud), il s’agit de saint-Pierre faisant l’aumône à un pauvre.
Ces vitraux comme tous ceux de l’église datent des années 1884-1885 et sont signés : Fabrique du Carmel du Mans, Hucher et Fils.
Nota : Si on sait que Gérard Bourget est intervenu sur les verrières ci-dessus, on ne sait pas précisément ce qui a été fait au niveau de la restauration. Mais c’est intéressant de montrer ces vitraux du 19e siècle parce que c’est l’époque de prédilection de Gérard Bourget avec la peinture sur verre. Et « bien sûr » Gérard Bourget était capable de reproduire à l’identique un vitrail « ancien ».
C) Complément :
Il y a Gérard Bourget, le grand-père, mais aussi dans la même profession, Jérôme Bourget, le fils, et Ghislain Bourget, le petit-fils. On pourrait presque parler de trilogie Bourget. Ci-dessous une église où on rencontre la signature « Bourget » sans que ce soit pour autant de « Gérard » :
7- Videcosville :

Signature : Atelier Bourget, St-Pierre-Eglise, deux dates : 2005 et 2006. Toute l’église est vitrée par le même artisan. Il s’agit de verre incolore avec des losanges et avec quelques décorations de couleur. Les verrières du choeur ont un petit médaillon en partie haute. Là encore dans cette église on trouve une intéressante Vierge à l’Enfant en pierre polychrome mais cette fois-ci du 14e siècle.
Et puis ci-dessous une église avec un vitrail non signé, mais dont on connait parfaitement les origines et dont la paternité revient à Ghislain Bourget :
8- Néville-sur-Mer :

Vitrail de Ghislain Bourget, en 2022, pas de signature. Le dessin est de Marc Cocheteux, qui s’est inspiré des vitraux cisterciens en vigueur vers les 12e et 13e siècle (le maître mot à l’époque cistrecienne c’était « sobriété », entre autres vitrerie incolore). Pour les autres vitraux de l’église on en trouve six (un peu semblables) de l’Atelier Mazuet, Bayeux, qui sont dans l’esprit du 19e siècle, dont un vitrail commémoratif de la Guerre 14-18. Et puis deux autres vitraux où on retrouve le 19e siècle (signature incertaine) et un vitrail plus moderne de Georges Sagot, Bayeux.
D) Témoignages :
Et maintenant laissons la parole à deux stagiaires qui ont suivi les cours du maître, Gérard Bourget;
1er- Claude Thoraval, Atelier du vitrail, 47- Angers :
J’ai complété mon parcours professionnel par des cours de perfectionnement à la peinture sur verre classique, auprès de Gérard Bourget, maître peintre verrier en Normandie. Il m’a enseigné année après année des techniques très spécifiques couramment utilisées au 19e siècle et peu enseignées aujourd’hui.
2e- Corinne Flanet, Atelier Verre et Lumière, 75- Paris :
J’améliore mes connaissances du vitrail en participant chaque année à des stages chez un peintre maître verrier, Gérard Bourget, qui m’enseigne les techniques d’essence de lavande, de térébenthine, d’eau savonneuse, dans la pure tradition du 19e siècle.
E) Conclusion :

On peut évoquer l’église de Sotteville dans la Hague, avec 4 vitraux décoratifs de Gérard Bourget. Sur l’un, en photo ci-dessus, la signature du maître est parfaitement lisible et on peut lire une date : « 1962 ». C’est justement l’année de ses débuts à Saint-Pierre-Eglise, avant la création de son atelier à Cosqueville, en 1963. C’était un beau début. C’était un bon Maître Peintre Verrier.