Vitraux commémoratifs sur le thème de la guerre dans nos églises du Val-de-Saire

Par Gilles POTIER (photos personnelles).

Exemple d’un vitrail commémoratif guerre 14-18, à Parpeville dans l’Aisne (1930)

Certaines églises de la Manche, comme dans d’autres départements de France, possèdent des vitraux commémorant les différentes guerres.

Sur les 9 églises que nous détaillons ci dessous, 2 ont des vitraux dédiés au Sacré-Coeur et 3 à Jeanne d’Arc. On retrouve également 2 fois le thème du combattant mort au pied de la croix. Ce sont les thèmes les plus courants à l’époque pour un vitrail du souvenir. Une sainte est également souvent représentée dans nos régions : Sainte Thérèse de Lisieux. A Barfleur, c’est Sainte Marie-Madeleine Postel qui présente le vitrail.

A) Guerre 1870-1871 :

1- Saint-Vaast-la-Hougue :

La grande verrière dédiée au Sacré-Coeur, daté de 1899, est signée : Charles Lorin, Chartres. Elle se divise en 4 parties.

Le registre en haut à droite représente la bataille de Loigny (Eure-et-Loire) en décembre 1870, lors du conflit avec les Prussiens. La bataille sera perdue par les Français et sera annonciatrice de la défaite finale en janvier 1871.
L’image de la guerre sur le vitrail montre un des soldats avec une bannière où on peut lire : « Coeur de Jésus, sauvez la France ». Il y avait au sein de l’armée française, un régiment des anciens zouaves pontificaux qui avait été créé à l’origine pour défendre les intérêts de Rome et du pape. Ici ce régiment est montré lors d’une charge héroïque qui restera célèbre. A l’époque cette représentation était surtout utilisée par l’église pour mettre en évidence la dévotion du Coeur de Jésus, comme il est mentionné sur la bannière. De nos jours on retient surtout la commémoration du conflit dans son ensemble.

Nota : il y a dans la Manche, 2 autres églises avec un rare vitrail dédié à la guerre de 1870 : Longueville (Granville) et Montanel (St-James).


B) Guerre 1914-1918 (la Grande Guerre) :

2- Fermanville :

Photo de Patricia Leroy-Quillerou
Photo de Patricia Leroy-Quillerou

2 petits vitraux commémoratifs se font fasse dans la nef. Ils datent de 1922 et sont signés Georges Merklen, Angers. Le premier représente un cavalier (un cuirassier) mort au pied de la croix. Il s’agit précisément d’une copie d’un célèbre tableau de Jean-Joseph Weerts, réalisé vers 1895. A l’origine le tableau faisait référence au conflit avec les Prussiens en 1870. Mais à Fermanville, Merklen reprend le tableau à son compte pour la Grande-Guerre 14-18. Le 2e vitrail est aussi une copie d’un tableau : celui de William Bouguereau, « La Vierge consolatrice », vers 1877. C’est une mère en pleurs que console la Vierge Marie, après la mort de son enfant (et l’enfant gît au sol).

Nota : ces deux vitraux portent les noms des soldats morts au combat, avec cette mention : « En souvenir des soldats et marins de Fermanville, morts pour la France, 1914-1918 ».

3- Cosqueville :

Ce vitrail à double lancette daté de 1919 est signé Henri Mazuet, Bayeux. On y voit Jeanne d’Arc adolescente en train de garder ses moutons et écoutant les voix divines par l’intermédiaire de l’Archange Saint-Michel.
Nota : c’est une veuve qui offre le vitrail à la mémoire de son mari.

4- Néville-sur-Mer :

Ce vitrail traditionnel de 1931 (donc plutôt tardif) est signé Mazuet, Bayeux. Il s’agit de Jeanne d’Arc au bûcher. Curieusement ce vitrail dédié à la Grande-Guerre 14-18, pourrait être aussi un vitrail commémoratif de la guerre de Cent Ans, avec Jeanne d’Arc.

Nota : Ce sont des parents qui offre le vitrail en souvenir de leurs 2 fils (on voit le portrait des 2 soldats).

5- Réville :

Cette grande verrière tripartite dédiée au Sacré-Coeur, datée de 1921, est signée Charles Lorin, Chartres (comme à St-Vaast).

Sur le vitrail central est représenté en médaillon un soldat agonisant au pied de la croix. Sur la lancette de gauche, on peut apercevoir 2 médailles dont la croix de guerre décernée aux poilus. Autre symbole fort pour l’époque : la basilique du Sacré-Coeur à Montmartre (Paris), en haut au-dessus du médaillon du Christ en croix.
Nota : c’est une mère qui offre la verrière en souvenir de son fils.

6- Théville :

Nous avons 3 vitraux, 1 grand et 2 petits. Le grand vitrail, daté de 1920, est signé Louis Mazuet, Bayeux (après Cosqueville et Néville-sur-Mer, c’est la 3e église avec un vitrail de Mazuet). Ici pas de thème en relation avec des soldats, pas de champ de bataille. Il s’agit simplement d’une image traditionnelle de religion avec le Christ.

Par contre il s’agit bien d’un vitrail commémoratif avec cette mention : « En souvenir de mon fils mort au Champ d’Honneur » avec le portrait du soldat. C’est donc une mère qui offre le vitrail pour son fils.


Les 2 autres petits vitraux qui se font face peuvent être assimilés à des monuments aux morts avec la liste des soldats morts pendant la guerre. Et on trouve cette mention : « A la mémoire des enfants de Théville, morts pour la France, 1914-1918 » (comme à Fermanville, sauf qu’ici il n’y a que les noms). Les 2 vitraux sont identiques, il n’y a que la liste des morts qui change. Le médaillon où se trouve gravés les noms, est entouré d’un faisceau de drapeaux, d’une branche de laurier, d’une branche de chêne et de la croix de guerre. Parmi les vitraux étudiés dans cet article, ceux-là sont les seuls à ne pas être en rapport avec la religion.
Il s’agit d’un don des paroissiens, comme mentionné sur les 2 vitraux. Par contre les vitraux ne sont ni signés ni datés.

C) Guerre 1939-1945 :

7- Barfleur, église :

Ce vitrail contemporain, daté de 1949, est signé de l’Atelier Bessac, Grenoble. Le vitrail commémore la libération de Barfleur le 21 juin 1944. Dans la partie supérieure du vitrail, il s’agit de la sainte locale : Marie-Madeleine Postel. Et dans la partie inférieure on aura reconnu bien sûr le port de Barfleur et son église.

Ce vitrail honore aussi la mémoire des Libérateurs.

8 – Carneville  :

Il y a dans la nef 2 vitraux datés de 1946 et signés Maurice Bordereau, Angers.

– Sur le premier on peut lire :

a) Sainte Jeanne-d’Arc à Reims.

b) Don des prisonniers de la guerre 39-45, reconnaissants à N.D. de Pontmain.

C’est le sacre du roi Charles VII à Reims, en 1429. Jeanne d’Arc est au second plan avec son étendard et on devine son blason où apparait partiellement une fleur de lys.

– Sur le deuxième :

a) La Sainte Famille à Nazareth.

b) Don des paroissiens reconnaissants de la protection divine, guerre 39-45.


Comme pour le grand vitrail de Théville, il n’y a pas ici de rappel à la guerre. C’est une simple image religieuse en l’occurrence « La Sainte Famille ». La scène se passe dans l’atelier de Joseph, qui était charpentier. On le voit devant son établi un maillet à la main. Marie est à ses côtés et l’Enfant Jésus enfonce un clou avec un marteau.

D) La Révolution :

9 – Barfleur, chapelle de la Bretonne.

zoom

Ici, il ne s’agit pas de guerre mais de la Révolution.
Le vitrail daté de 1896 est signé Duhamel-Marette, Evreux, Dans le registre intermédiaire il évoque la période révolutionnaire, entre 1789 et 1799, quand les gendarmes montaient la garde aux alentours des églises (ici celle de La Pernelle), à la recherche de prêtres réfractaires. On estime que pendant la Terreur, entre 1793 et 1794, il y aura 40.000 personnes, dont des religieux, exécutées le plus souvent sommairement. Et le nombre de soldats tués pendant la Révolution dans des conflits internes sera très important.


– Dans le registre inférieur du vitrail on peut voir la future Marie-Madelaine Postel (1756-1846) entourée de villageois et d’enfants. Et justement, Marie-Madeleine Postel cachait des prêtres réfractaires et organisait des messes clandestines.

NOTA : Il y a ainsi dans cette chapelle de la Bretonne, un ensemble remarquable de 20 vitraux réalisés par Duhamel-Marette, entre 1896 et 1899. Ces vitraux racontent l’histoire de notre sainte barfleuraise.


Dans cet article il s’agit du canton du Val-de-Saire. On y trouve 37 églises + 3 chapelles, soit un total de 40. Toutes les églises ont été vues. Et il y a ainsi 12 vitraux commémoratifs visibles dans le canton (précisément 13 vitraux avec celui repris 2 fois pour un monument aux morts). Ainsi ont été mentionnées à travers les vitraux : la guerre de Cent Ans, la Révolution, la guerre de 1870-1871 contre la Prusse, la Grande Guerre 14-18, la 2e guerre mondiale 39-45.


N.B. Bibliographie pour les vitraux 1914-1918 : « Vitraux de Normandie, une histoire de la Grande Guerre » (Inventaire général du patrimoine culturel, région Normandie, 2018).

Dans ce thème nous conseillons la lecture de ces articles :

https://www.ouest-france.fr/normandie/coutances-50200/dans-les-eglises-du-coutancais-les-vitraux-commemorent-les-soldats-4047028

https://vitrarius.fr/article/itineraire-seconde-guerre.pdf

A ces 2 sites, il nous faut mentionner l’église de Biville, dans la Hague, avec un très intéressant vitrail à 8 registres consacrés à la Libération en juin 1944

2 réponses sur “Vitraux commémoratifs sur le thème de la guerre dans nos églises du Val-de-Saire”

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