Les religieux font parfois de grands généalogistes. Pour la Manche nous avons en tête les célèbres abbés Gibert, Hulmel, Canu ou le bénédictin Jacques-Louis Le Noir, dit Dom Le Noir qui a réalisé un travail remarquable sur les archives de la Cour des comptes. Le Calvados ne fait pas exception. Je vous propose de découvrir le travail généalogique du chanoine Léon Le Mâle (1858-†1945) et de son proche parent le chanoine Richard Louis Le VANIER (1728-†1794), chanoine de Bayeux pendant la Révolution française.
Une fois n’est pas coutume, intéressons-nous au département voisin du Calvados. Grâce à Patrick VNK que je remercie, j’ai découvert une partie du fonds LE MALE. Ce dernier est composé de notes du Chanoine Léon Le Mâle (1858-†1945), successeur en 1923 de l’abbé Deslandes en tant que conservateur des archives ecclésiastiques du chapitre de Bayeux. Dans la cote 76F 102, photographié par PVNK, nous retrouvons des archives très variées sur l’évêché de Bayeux, sur les impôts, sur la noblesse des environs de Caen et Bayeux…
Il semble s’être particulièrement intéressé aux lois révolutionnaires du 12 juillet 1790 obligeant le clergé à accepter la Constitution civile du clergé instituant une nouvelle Église constitutionnelle. Le décret du 29 novembre 1791 déclare les prêtres réfractaires anti-républicains et factieux . Le 14 août 1792, les prêtres réfractaires doivent prêter serment dit de « liberté-égalité » : « Je jure d’être fidèle à la nation et de maintenir la liberté et l’égalité ou de mourir en les défendant. ». Un nouveau décret du 26 août bannit les réfractaires (environ 75 000) qui disposent de 15 jours pour partir en exile. A défaut ils seront massacrés ou déportés….
Ce fonds Le Mâle inclut un dossier nommé « Richard Louis Le VANIER (1728-†1794) Chanoine de Bayeux ». Ce dernier était en poste à Bayeux lors de la Révolution et faisait partie des religieux réfractaires. Il a dû fuir la France le 13 septembre 1792 avec 13 autres ecclésiastiques en embarquant à Bernières-sur-Mer sur le bateau de Jean Louis DUPUIT. Il débarqua à Portsmouth le 15 septembre ou il résida jusqu’à janvier 1793. Sans qu’on en sache plus, moins de 2 ans après, il décède en 1794 soit à Paddington (dans le faubourg de Londres) soit à Paderborn en Allemagne.
Le dossier « LE VANIER » est composée de plus de 300 pages et comporte notamment la généalogie du Chanoine Richard Louis Le VANIER réalisé par ses soins.
Nous comprenons que les chanoines Le VANIER et LE MALE sont cousins comme l’illustre ce schéma réalisé par le Chanoine Le MALE (positionné en bas de la feuille la plus à gauche) :
Dans une lettre le Chanoine LE MALE décrit un cheminement improbable pour que ces archives arrivent jusqu’à lui. Visiblement sans le « coup de force » de la sœur de son arrière-grand-mère, Victoire VIEL, ce fonds aurait probablement disparu.
Le Chanoine LE VANIER avait réussi à obtenir un grand nombre d’actes de naissance ou contrats de mariage de ses ancêtres (actes présents dans le dossier).
Exemple de page du CM entre Laurent LE VANIER X 14 juillet 1653 et Françoise FOUQUERAYE
Il a réussi à creuser partiellement la généalogie de sa grand-mère Marguerite SIMON sur 4 générations remontant jusqu’à la fin du 16ème siècle :
En compilant tous les documents, nous découvrons une généalogie inédite (en tout cas absente des bases publiées sur Geneanet) :
Le site https://francearchives.fr/ nous apprend que ces notes furent achetées à la mort du chanoine Le Mâle par le Conseil Général, en 1945. D’abord déposées à la Bibliothèque municipale de Bayeux, elles ont rejoint les Archives départementales du Calvados en 1971.
Cette histoire originale donne un bel exemple sur l’importance des archives privées « survivantes » qui permettent de boucher certains trous généalogiques liés à la disparition d’une partie des archives civils et religieuses lors de la révolution ou de la 2nde guerre mondiales.
Thomas Gauthron