Aux origines de Montmartin-en-Graignes

Chapitre 3 « de 1669 à la Révolution »

par Guy MAILLARD

Montmartin-en-Graignes – L’église Saint-Martin
Photo Guy MAILLARD en 1996

Avant-propos de Thomas Gauthron 

Guy MAILLARD est un généalogiste amateur depuis plus de 50 ans et membre historique de Généa50. Il a effectué des recherches très poussées sur Montmartin-en-Graignes berceau de ses Maillard. Il est reconnaissant à Gerard Voydie, longtemps premier adjoint au Maire (années 90) de lui avoir donné accès aux archives de Montmartin.

En 2022, il décide d’offrir ses archives généalogiques à Généa50 que je récupère chez lui. Ce fonds d’environ 20 kg est aujourd’hui logé dans notre bibliothèque de Fermanville. Il est composé de quelques actes originaux, de photos ou photocopie d’actes anciens, de photo des lieux, de nombreux dossiers annotés sur l’histoire de Montmartin-en-Graignes et de livres.

Paris en 2022, Guy MAILLARD triant ses archives avant
déménagement pour Fermanville
– Photo Thomas GAUTHRON –

Il contient aussi un projet de livre inachevé, nommé « Aux origines de Montmartin-en-Graignes », d’environ 40 pages écrites dans les années 1995 / 2005 (certaines hypothèses ont pu évoluer depuis). Guy nous a autorisé à publier ce document en sommeil en nous rappelant le contexte d’une époque (environ 30 ans !). Les recherches, sans numérisation ni internet, s’apparentaient à une véritable enquête de terrain. L’information était rare et difficile d’accès avec des notes et des photocopies rudimentaires en lieu et place de nos mégaoctet de numérisations mises à disposition par des sites ou partagées par des bénévoles mitraillant au smartphones. Ainsi il nous a confié que les sources, diverses et dont il n’a pas toujours gardé les traces, proviennent des sociétés savantes aux Archives de la Manche, de recherches un peu au hasard aux archives du Calvados, aux archives diocésaines (encore entreposées à Coutances), au centre culturel britannique (au sujet des Wace) et de lecture (fastidieuse) d’Orderic Vital etc… Il a repris à son compte les écrits de Florian Mazel (Nouvelles Histoire du Moyen Age), de Georges Duby et de Jacques Legoff, maitres incontestés de années 1980.

Généa50 a déjà publié dans sa revue les « Les Cahiers de Généa50 » les 2 plus grands chapitres de son récit historique « Aux origines de Montmartin-en-Graignes » :

  • n°8 d’avril 2024 p.51 Chapitre 2 « De la conquête française à la fin de l’invasion anglaise »

Nous proposons de rendre public dans notre blog cet additif et dernier chapitre de 3 pages.

Montmartin-en-Graignes
Photos (vue ULM) de Guy MAILLARD en juillet 2001

Introduction :

reprise de la conclusion du chapitre 2

Lorsque les guerres de religion se terminent, Montmartin est alors dominé par les Gueroult, qui occupent les Vignes dont le fief est tenu par les Esnault et les Gautier. Le domaine des Vignes, mis aux enchères, est racheté par François de Matignon, petit-fils du Maréchal, comte de Thorigny et chef d’une des familles les plus importantes du diocèse de Coutances qui n’a qu’un seul but : s’approprier tout ce qui est à bon à prendre. En 1664, le fief du Trésor est à son tour décrété, et, en conséquence, vendu aussi aux enchères. Racheté par la Dame de Gratot (née Matignon) en 1668, celle-ci le cédera l’année suivante à Jacques de Matignon, le fils de François. Pendant ce temps, Nicolas de Soulbieu, qui ne s’est pas remis, de la mort de sa fille Marie, en 1660, quitte Briseval et Montmartin par échange avec le château de Carantilly, propriété de Monsieur de Gourfaleur. Endetté, celui-ci cède Briseval en 1669 à François de Matignon. En quatorze ans, les Matignon ont ainsi mis la main sur presque tout Montmartin : le fief des Vignes, le fief du Trésor, le château de Briseval leur appartiennent et avec ces fiefs le droit de présenter aux deux cures de la paroisse. Les autres fiefs leur échappent encore certes, mais leurs tenants ne peuvent en aucun cas contester leur pouvoir. Jusqu’à la Révolution, les Matignon seront les maîtres de Montmartin.

De 1669 à la Révolution

François Goyon de Matignon (le nom est « Goyon de Matignon » mais dans cet article nous simplifierons en « de Matignon » comme il est d’usage de les appeler) ne jouira pas longtemps de ses acquisitions. Il meurt en 1675. Sa femme, Anne de Malon lui avait donné douze enfants. De ses six fils, quatre se partageront l’héritage, deux seront évêques, Jacques à Condom, Léonor à Lisieux. Son fils Charles, à qui François avait donné, de son vivant le Comté de Gacé étant mort dès 1674 sans postérité, ce comté échut à son frère Charles Auguste avec la baronnie de Bricquebec et la seigneurie de Montmartin. Ce fut lui qui régla définitivement le problème posé par la présence de deux curés dans la paroisse : seigneur des deux fiefs qui présentaient pour les cures, en 1717, il proposa leur fusion qui fut acceptée par les principaux paroissiens principalement au fait qu’il n’y aurait plus désormais qu’un seul presbytère à entretenir. Nos Montmartinais prenaient soin de leur bas de laine… Il mit fin aussi à la querelle sur la seigneurie du fief du Trésor. En effet, lorsqu’en 1678, son autre frère Jacques, alors héritier du fief avait présenté son aveu au roi, le Comte de Gourmont, jusque-là bien discret avait rappelé ses droits sur le fief en tant que baron de Gyé et exigé que l’aveu lui fût soumis. S’était alors engagé un procès à rebondissements qui avait vu un moment le comte de Gourmont déclaré titulaire du fief. Charles Auguste de Matignon mit fin à ce procès en rachetant la baronnie de Gyé aux de Gourmont. Que ne peut-on pas faire quand on en a les moyens ?… Et c’est ainsi que quelques années plus tard, le siège de la Baronnie de Gyé, baronnie située géographiquement aux confins de la Champagne et de la Bourgogne se retrouva installée officiellement au Château de Briseval…

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Portrait de Charles-Auguste de Goyon (1647-1729), maréchal de Matignon
Auteur anonyme 17e siècle
Musée beaux arts de Caen

A la mort de Charles Auguste en 1729, ce fut son fils, Louis Jean Baptiste, puis, en 1747, le frère de ce dernier, Marie Thomas Auguste, qui héritèrent des fiefs. En 1766, Louis Charles, petit-fils de ce dernier, lui succède. Mais sa mort prématurée à 18 ans, peu après son mariage avec Angélique Elisabeth Le Tonnelier de Breteuil laisse ceux-ci aux mains de sa fille Anne Louise de Matignon née à Parme (Italie). La seconde moitié du XVIIIème siècle voit la mainmise quasi totale des Matignon sur Montmartin : outre les Vignes et Le Trésor avec Briseval, les fiefs de Bois Rivet, Guehebert, les Cevennes (sans doute le fief du bourg), la Comté leur appartiennent. En 1782, les tuteurs d’Anne Louise ajoutent le fief de Mauperthuis à son patrimoine en achetant le domaine des Fresnes au Sieur de Morel, son tenant d’alors.. L’aveu de 1758 indique aussi qu’ils sont propriétaires des salines situées le long de la Vire. Même les marais de Montmartin n’échappent pas à leur boulimie de possessions. Racheté en 1786, la partie des marais de Montmartin encore aux mains du roi est vendue à Anne Louise. Or les fermiers de Montmartin jouissaient de ces marais dans lesquels ils menaient leurs bêtes à paître. La contestation, interrompue lors de la Révolution, reprit dès 1818 et ne s’acheva qu’en 1846 par la victoire d’Anne Louise à l’issue d’un interminable procès que nous conterons plus loin. Le 2 juin 1788, Anne Louise de Matignon, alors âgée de 14 ans épouse, en l’église Saint Roch de Paris, Anne Charles, duc de Montmorency, âgé lui-même de vingt ans, et entre ainsi dans une des plus prestigieuses familles de France.

Les Matignon ne vécurent pas à Montmartin, ils délaissèrent complètement le château des Vignes laissé aux Gueroult. Après la mort de François de Matignon en 1675, sa veuve († 1685) s’était retirée à Saint-Lô puis vécut à Briseval puisqu’en 1678 elle sollicite de l’évêque de Coutances l’autorisation de faire dire la messe dans la chapelle privée du château, son état de santé rendant très pénible son déplacement à l’église de Montmartin. Reconstruit au début du XVIIème siècle par les De Soulbieu, Briseval était, alors, le château le plus spacieux et aussi le mieux situé à Montmartin, le long du chemin allant de Saint-Lô à Carentan et ce fut cette demeure que les Matignon choisirent comme centre de leur pouvoir sur la paroisse. Après la mort d’Anne de Malon, Briseval soit fut loué, soit servi de bureaux et de demeure pour les intendants. Monsieur de Warine, l’intendant le plus connu de Matignon s’y maria et y mourut en 1765. On peut penser cependant que le 26 juin 1786, Anne Louise de Matignon était présente lorsque la berline dans laquelle se trouvait le roi Louis XVI, au retour de son voyage à Cherbourg, franchit le porche du château pour y dîner et y passer la nuit. Le fait que les Matignon n’habitaient pas Montmartin ne veut pas dire qu’ils s’en désintéressaient. Outre l’unification des deux cures, on leur doit aussi l’apparition de la première école de filles à Montmartin. En effet, le 22 novembre 1764, Marie Thomas Auguste de Matignon créait pour les filles deux écoles, l’une au bourg, l’autre à Saint Nicolas, afin que les filles puissent apprendre à lire, à écrire, à mieux s’éduquer dans la religion, à connaître aussi quelques rudiments de mathématiques. Il existait depuis longtemps une école pour les garçons. Où était-elle ? La fréquentaient-ils ? c’est une autre histoire… En 1634, déjà, l’archidiacre se plaignait de ce que les parents oubliaient d’y envoyer leurs garçons. Dans le même acte, il instituait un chirurgien afin de visiter gratuitement les pauvres malades et de leur “donner les secours qui seront de son ministère”. L’époque des Lumières faisait ainsi une timide apparition dans la paroisse.

Note complémentaire de Alain AUBRIL : Dans les archives de la principauté de Monaco qui ont été mises en ligne, il y a un état des lieux des biens et terres de Montmartin au moment du décès de la douairière de Matignon. La ferme des vignes est quasi en friche et la mer a envahi les terres vers la fin 17ème : https://www.archivessitesgrimaldi.mc/ark:/56093/lqch2ps405kj/5c4b1f57-019e-4448-a69e6cc7c201db0e. Concernant cette période moderne, Claudine Harache a aussi déposé un dossier assez copieux aux AD de ce qu’elle a recueilli sur cette paroisse avec des renseignements sur les propriétés De Matignon. Le dossier est coté 217 J 122 pour environ 60 pages recto-verso. Sa mère et sa grand mère avaient vécu au village de Monceaux pas très loin des Lepicard.

	

Une réponse sur “Aux origines de Montmartin-en-Graignes”

  1. C’est Alain AUBRIL avec lequel je suis en contact qui m’a dit que Claudine HARACHE avait des parents au Village de Monceaux qui vivaient près des LEPICARD Marie Thèrèse Le PICARD (1802-1886, fille de Charles Jean LE PICARD et Marie Thèrése LEBEBVRE) a épousé e 1826 un François LE BAS de Saint-Fromond : Ce sont mes AR- AR grands parents. Je serai très intéressé pour en savoir plus à leur sujet et aux lieux de vie de ces LEPICARD à Montmartin en Graignes ou environs ; Comment puis-je avoir accès au document de C. HARACHE répertorié 217 J 122 . Je suis inscrit aux AD de la Manche (Lecteur N° 000006962), mais je vis actuellement en Isère.
    Merci par avance
    François LE BAS

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