Le château fortifié d’Anneville en Saire a totalement disparu, après avoir été incendié en 1346 puis assiégé en 1591. Son emplacement, le Pré de la Motte, a conservé la trace de fortifications. A sa place se dresse aujourd’hui la Maison d’Anneville, qui date du XVIIème. Gerville retrace en 1824 l’histoire de sa seigneurie :
ANNEVILLE-EN-SAIRE
Voici encore une paroisse qui a donné son nom à un des seigneurs contemporains de la conquête de l’Angleterre; son nom est le second de tous sur la liste de Brompton: au lieu d’Anneville, il est écrit d’Aundevyle; c’est l’ancienne manière de le prononcer, qui n’est pas encore perdue dans le Val-de-Saire.
Le nom de Mandevyle, qui le précède sur la même liste, a subi la même métamorphose; il a été changé en Magneville.
Quoi qu’il en soit, le château qu’habitaient les seigneurs qui portaient le nom de la paroisse a entièrement disparu; ils ont fait tant de donations à l’abbaye de Lessay, que leur fief a beaucoup perdu de son importance primitive (1). Il s’étendait autrefois dans les paroisses du Vicel, Réville, Morfarville, Barfleur, Sainte Geneviève, Valcanville et Saint Flocel.
Sous le règne de St Louis, les seigneurs qui portaient le nom de la paroisse, passèrent
à celle de Montaigu la Brisette; la seigneurie d’Anneville passa, par un mariage, dans la famille de Montigny (2); puis dans celles de Villiers et de Colombières.
Dans le XIVè. siècle, elle appartint quelque temps à la famille du Guesclin; elle passa ensuite à Louis de France, duc de Guyenne, dauphin de Viennois, avec le comté de Longueville et la seigneurie de la Roche-Tesson (3).
L’amiral de Bourbon, seigneur de Valognes et de la Hougue, le fut aussi d’Anneville; en 1498, Jeanne de France, sa veuve, la vendit à Geoffroy Herbert, évêque de Coutances; celui-ci, en 1500, donna encore une grande partie de ce domaine au Chapitre de Coutances.
Cette donation, qui a beaucoup appauvri le fief d’Anneville a aussi beaucoup contribué à la démolition du château dont nous faisons la recherche. Ce château était tout près de la rivière de Saire, dans une prairie qui porte encore le nom de Pré de la Motte : ce nom est la seule indication qu‘il nous en reste; l’épanchement des eaux de la Saire en faisait la plus grande force.
L’histoire de Guernesey parle de la famille d’Anneville, comme de la plus ancienne de cette île. Avant 1050, elle était infestée par des pirates venus de la baie de Biscaye, qui après l’avoir souvent ravagée, s’y étaient enfin établis.
Guernesey faisait alors partie de la Normandie; les habitants vinrent demander du secours au duc Guillaume qui résidait alors au château de Valognes; ce prince leur envoya des troupes commandées par Samson d’Anneville. Elles chassèrent les pirates, détruisirent leurs fortifications, et firent si bien qu’ils n’y revinrent plus (4).
Un seigneur d’Anneville fut nommé gouverneur du Val-de-Saire, en 1066, durant l’expédition d’Angleterre, et sous la régence de la duchesse Malthide; son frère suivit le Conquérant, et obtint des concessions en Angleterre. Sa postérité s’établit dans le comté d’York et dans l’île de Wight (5).
Richard d’Anneville signa, comme témoin, une charte de Guillaume de Reviers, comte de Devon, seigneur de l’île de Wight, en faveur de l’abbaye de Lyre et du prieuré de Carisbrook. Je pourrais suivre cette famille en Angleterre, dans les comtés d’York et de Sommerset; mais vous pourriez me reprocher un article bien long pour une paroisse qui n’offre plus les traces d’un ancien château. Je vais me hâter de dire quelques mots de ceux qui figurèrent en Normandie, au temps de la croisade du duc Robert Courteheuse et de Godefroy de Bouillon.
Dans l’acte de fondation de l’abbaye de Lessay, qui est un peu antérieur à la conquête
d’Angleterre (6), on trouve que Guillaume d’Anneville donne, à ce monastère, les églises d’Asneville, du Vicel et de Prétot. Un autre Guillaume, qui vivait en 1106, confirma ces donations : il reçut, de l’abbaye de Lessay, dix marcs d’argent, pour payer la rançon de son fils Michel, fait prisonnier à la croisade (7).
Ad redimendum filium meum ea captione qua captus erat. Ces donations furent encore confirmées par Geoffroy d’Anneville, un des descendants de Guillaume, en 1139. Il y ajouta la chapelle quae est juxta fluvium Saræ. Le même Geoffroy donna, en 1155, à l’abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, l’église de Saint-Pierre-d’Arthéglise (8).
Je pourrais donner beaucoup d’autres détails très positifs sur cette famille, dont j’ai à ma disposition une excellente généalogie; mais cet article est déjà trop long : je me contenterai de dire qu’après avoir servi fidèlement le roi Jean-Sans-terre, Guillaume d’Anneville se soumit à Philippe-Auguste (9).
Des mariages forcèrent la famille d’Anneville à quitter son berceau; des mariages lui donnèrent successivement la seigneurie de Montaigu et celle de Tamerville.
in : Anciens Châteaux de l’Arrondissement de Cherbourg, par M. de Gerville, pp.349-354
Mémoires de la Société des Antiquaires de la Normandie, 1824, Première partie. A Caen chez Mancel libraire-éditeur. A Paris chez Ponthieu et Delaunay, Palais Royal, et chez les principaux libraires de Normandie. MDCCCXXV
Liste complète des Anciens Châteaux de Gerville : ici
(1) Généalogie de la famille d’Anneville , preuves des premiers degrés. Gall. Christ. XI. Neustr. Pia.
(2) Généal. de la famille d’Anneville , pièces justificatives
(3) Hist. des grands offic. de la couron., tome 6, p.187
(4) Chronic. S. Stephani Cadom… Généal. de la famille d’Anneville.
(5) Worsleys, Hist. of the isle of Wight
(6) Ex cartular. Exaquii; Neustria Pia, p. 621.
(7l) Cartular. Exaquii, p. 147
(8) Cartul. Sti. Salv. Abbatiæ.
(9) Voici ce que je trouve sur Anneville, dans le registre des fiefs de Philippe-Auguste : » Johannes de Anneville tenet inde (de Lithaire) feodum 1 militis apud Broliium de Asneville (Le Breuil). «