Vitrail gothique et reflets de vitraux contemporains

Par Gilles POTIER (Photos personnelles sauf mention contraire)

man8rove armorial

Wikipedia

1) L’église du Vast dans le Val-de-Saire, possède un vitrail du début 15e siècle digne d’un grand intérêt. Il n’est pas parfaitement clair, certaines parties sont quelque peu effacées, il a été plusieurs fois restauré, il a même voyagé, mais il est toujours attrayant


– Il se compose de quatre lancettes richement décorées comme on savait si bien le faire à l’époque, avec au-dessus des quadrilobes. Sur la lancette à l’extrême gauche, c’est saint Jean-Baptiste et sur celle à l’extrême droite, c’est sainte Marie-Madeleine. Dans les deux lancettes centrales, on trouve la scène de l’Annonciation, avec à gauche Marie et à droite l’archange Gabriel.
– Sur le registre du bas, se trouve des choses très intéressantes, à savoir :
Panneau à l’extrême gauche: le donateur (en bleu), en compagnie de ses 8 garçons (en rouge).
Panneau à l’extrême droite : la donatrice (en bleu), en compagnie de ses 4 filles (en rouge).
Panneaux centraux :

*à gauche : les armoiries du donateur : Roger Suhart, seigneur du Vast : « de gueules à la croix fleurdelisée d’argent » (Voir photo). Et on peut lire une inscription postérieure au vitrail : Pia H.Ricard an MDCCCLXXXIII. On peut traduire par : Pieuse Hortense Ricard en 1883… Ensuite l’inscription nous dit que cette dame a financé la restauration de la verrière en 1883.

*à droite : un blason avec la moitié d’une croix. Il s’agit de Lucette de Canouville, mariée à Roger Suhart, en 1383 (le couple aura 12 enfants, les 8 garçons et les 4 filles). Les armoiries de Lucette de Canouville étaient : « de gueules à trois molettes d’or » (Voir photo). Mais sur son blason figure la moitié du blason de son mari (il s’agit là d’un écu mi-parti). Et sur la seconde moitié doit se trouver l’une des fameuses molettes. Mais peut-être qu’elle ne se voit pas trop bien à cause de la restauration du vitrail. Enfin il y a comme sur l’autre côté, une inscription postérieure au vitrail : « Cette vitre a été restaurée à la Fab. du Carmel du Mans, par M.Hucher et fils, MDCCCLXXXII » (1882). Fab = Fabrique de vitraux.

Nota : Molette : on trouve parfois cette pièce en héraldique, sur des blasons. C’est un rappel des chevaliers du Moyen-Age (il s’agit d’une pièce qui se fixe à l’extrémité des éperons pour les chevaux).

– Et maintenant parlons un peu des trois quadrilobes qui se trouvent en partie haute de la verrière. Il y a au centre de chaque quadrilobe, un médaillon avec une scène (on devine plus qu’on ne voit et même le médaillon du haut est quasi illisible). Dans le médaillon de gauche c’est le Calvaire, celui de droite le Couronnement de la Vierge et celui du centre le Christ en Majesté. Et puis comme il se doit on trouve au pourtour des quadrilobes, de petites parties vitrées qui agrémentent le décor.

2) Avant de quitter l’église et après avoir vu cette très intéressante verrière de 15e siècle au chevet, jetons un regard émerveillé sur les reflets des vitraux contemporains de Paul Bony.

Ce maître verrier talentueux (1911-1982) était marié à Adeline Hébert Stevens (1917-1998) qui était elle même maître verrier. Ce couple avait leur atelier à Paris, ils avaient leur propre style et pouvaient tout aussi bien produire des vitraux seul ou en commun. On leur doit de très nombreuses réalisations dans les églises de la Manche. Ils possédaient une maison à Diélette, dans la Hague, et ils étaient tombés amoureux du Cotentin. Dans notre région du Val-de-Saire, on trouve Paul Bony seulement à l’église du Vast, avec une quinzaine de vitraux du début 1960. Et on trouve aussi de lui un vitrail simple à Octeville-l’Avenel. A signaler également que Paul Bony a restauré en 1955, la belle verrière du chevet dont on vient de parler. Pour connaître un peu mieux ce couple attachant, Paul Bony et sa femme Adeline, on vous propose le Lien ci-dessous (il s’agit d’une exposition qui leur a été consacrée en 2018 à Flamanville).

 

https://www.ouest-france.fr/normandie/cherbourg-en-cotentin-50100/peintres-et-verriers-un-couple-d-artistes-l-honneur-5709702

Tripadvisor. Vitrail commémoratif Débarquement, église Carentan
Tripadvisor.

3) Ainsi s’achève cette trilogie sur les vitraux dans le Val-de-Saire. Dans le premier article, le sujet était les viraux commémoratifs. Et à la fin de l’article il y avait deux Liens. On vous redonne ce qui était marqué entre autres, dans le deuxième Lien à propos d’un vitrail commémoratif du Débarquement, en l’église de Carentan : « Ce vitrail a été réalisé en 1955 par Paul Bony et son épouse Adeline Hébert Stevens » (voir photos complémentaires ci-dessus). Et ainsi donc on retrouve nos deux sympathiques maîtres verriers… SI on veut analyser rapidement ce vitrail, on peut voir aux deux lancettes centrales, Jeanne d’Arc, en jaune, et saint Michel, en bleu, patron des parachutistes. Sur la lancette de gauche on devine un blason qui est celui de la ville de Carentan et sur la lancette de droite on voit aussi un blason avec la tête d’un aigle, Il s’agit de l’insigne que porte sur l’épaule les parachutistes de la 101ème Division Aéroportée américaine, qui ont sauté dans la région de Carentan, le 6 juin 1944. Dans les parties hautes des lancettes, sont représentés plusieurs parachutes qui évoquent bien le largage des parachutistes américains dans le secteur d’Utha Beach. Bel hommage à nos Libérateurs, à la 101st Airbone Division (en anglais).

« Le mot de la fin » : On avait commencé cette trilogie des vitraux du Val-de-Saire, en parlant des vitraux commémoratifs et on finira par un vitrail commémoratif. Ainsi la boucle est bouclée…

Bibliographie : Les vitraux de Basse-Normandie. Martine Callias Bey et Véronique David. Corpus Vitrearum.

‌***Annexe : Les parents d’Adeline Hébert Stévens, mariée à Paul Bony, étaient aussi maitre verrier. Les deux photos ci-dessous sont du site : « Vitraux commémoratifs de la Somme ».

Pernois, dans la Somme, vitrail de 1927, par Jean Hébert Stevens (associé à André Rinuy). Il s’agit du père d’Adeline. On y voit un Poilu debout, en tenu bleu horizon, les mains jointes, mort au pied de la croix. Il est drapé du drapeau de la Patrie, bleu-blanc-rouge.
Hangard, dans la Somme, vitrail de 1926, par Pauline Peugniez. Il s’agit de la mère d’Adeline. On y voit l’archange saint-Michel, déposant une couronne sur la croix d’une tombe où se trouve le casque d’un Poilu. Les  couleurs de la Patrie, bleu-blanc-rouge, sont bien visibles.

Ainsi, Adeline Hébert Stévens, maitre verrier, avait son père, sa mère, son mari (Paul Bony), son fils (Laurent Bony), maitre verrier. Et pour faire bonne figure, Paul Bony avait un frère, Jacques Bony, également maître verrier. Une sacrée famille !

A Sainte-Mère-Eglise, dans la Manche, où se trouve entre autres un fameux vitrail du Débarquement (le vitrail des Parachutistes) signé Gabriel Loire en 1949, on trouve des vitraux de Paul et Adeline Bony en 1981 mais aussi de leur fils, Laurent Bony en 1993. Oui, une sacrée famille !

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