Visite médicale à Crosville en 1646

Deux chirurgiens de Saint-Sauveur-le-Vicomte, Gilles Burnouf et Robert Ballet, se rendent au chevet d’un habitant de Crosville pour examiner plusieurs blessures probablement reçues au cours d’une rixe.

Comme pour beaucoup d’entre nous, ma conception des médecins de ce siècle est celle qui est bien ancrée dans l’imaginaire collectif : elle navigue défavorablement entre le médecin de peste, accoutré de son masque d’oiseau, et Monsieur Diafoirus, toujours prompt à saigner et purger ses patients (/victimes). Mais en l’occurrence, Eloi GRINDEL, notre estropié, a fait appel à des chirurgiens, qui à l’époque ne sont pas des médecins. L’acte ne précise pas la nature des soins prodigués ce jour là (application d’onguents ?). On peut juste noter que le duo de praticiens a des connaissances en anatomie et qu’ils délivrent à leur patient une attestation dont il se servira probablement pour une action en justice.

Guillaume Roupsard

« Nous soubzsigné Gilles Burnouf, chirurgien juré aux ellections de Vallongnes et Carentan, demeurant à Saint Saulveur le Viconte, et Robert Ballet, chirurgien audit Sainct Saulveur,

Attestons à tous qu’il apartiendra que ce treizeiesme jour de may mil six centz quarante six, à la requeste d’Elloy Grindel de la parroisse de Crosville, nous nous sommes espres transportés audit lieu de sa maison pour le visiter et medicamenter de plusieurs contusions.

Sçavoir en la teste partie senestre d’une contusion sur l’os parietal de grandeur de deux travers de doigt en rondeur, plus au bras droict de trois contusions. Une en la partie externe et inferieure de l’os cubitus, proche l’articulation du poignet, de grandeur de trois travers de doigt en longueur et d’autant en largeur. Item sur le mesme bras appellé humerus partie esterne, de deux aultres contusions chacune de largeur de trois travers de doigt et de longueur de deux.

Lesquelles blessures peuvent avoir esté faictes de coups de baston, de pierre ou aultre instrument froissant et contondant. Et y avons appliqué les medicaments necessaires, et n’en peult ledict bleçé estre gueri que dans sept à huict jours, saouf à prolonger, et nous a requis le present, nostre respect pour luy servir ainsi que de raison.

[Signatures :] Burnouf, R. Ballet

Approuvé “expres” et “longueur” en glose [interligne] »

Source : Partie non classée du chartrier du château de Saint-Pierre-Église. AD50 150J (Boîte IX).