Lucien GOUBERT, un peintre à l’église du THEIL, dans le Val-de-Saire

Par Gilles POTIER

(photos de l’auteur, sauf mention contraire)

Barfleur : le seul Monument aux morts de la région qui possède une statue d’un « Poilu » (Photo : Wikimedia Commons)

1) En plus des traditionnels Monuments aux morts, le plus célèbre dans notre région du Val-de-Saire étant celui de Barfleur, avec une statue d’un « Poilu », on trouve parfois des Monuments aux morts à l’intérieur des églises.

Il peut s’agir d’une simple plaque commémorative ou d’un vitrail, mais c’est aussi parfois un véritable monument. Deux exemples dans le Val-de-Saire : Gonneville, avec un autel en pierre surmonté d’un grand calvaire et surtout Le Theil, objet de cet article.

Eglise de Gonneville. Vue d’ensemble du Monument aux morts en pierre calcaire
Devant d’autel de Gonneville, avec la liste des morts guerre 1914/1918

– L’église du Theil possède en son sein un petit joyau. Il s’agit d’un retable en bois consacré aux victimes de la Grande Guerre 1914-1918. C’est une belle œuvre patriotique. Et ô merveille, le tableau du retable est signé Lucien GOUBERT (1887-1964), un peintre très attachant du côté de Cherbourg. Il faut reconnaître que des retables « traditionnels » comme celui-ci, rendant hommage aux victimes de la guerre 1914-1918, n’est pas chose si courante que ça ! 

Eglise du Theil. Retable en bois. De bas en haut : Autel (avec un devant d’autel joliment décoré) – Tabernacle posé sur l’autel – Plaque commémorative guerre 1914/1918 – Tableau signé Lucien GOUBERT. Le retable se termine par une croix et en arrière se trouve un petit oculus. Et comme il se doit le retable est encadré par deux statues reposant sur des colonnes (à gauche il s’agit du Bienheureux Thomas Hélye et à droite c’est saint Clair).
Idem, retable vu de face
Plaque commémorative avec la liste des « Enfants du Theil morts pour la Patrie »
Tableau de Lucien GOUBERT. La scène se passe dans un cimetière. Sur la gauche, une femme agenouillée, assise sur ses talons, se recueille devant une tombe. Sur la droite, un groupe de trois hommes, dont un avec un genou à terre, représente des soldats de la Grande Guerre. L’un des hommes a son casque de « Poilu ». On pense aussi reconnaitre dans l’habillement le manteau gris bleuté (ou bleu horizon, selon les versions) que portaient les soldats de l’époque. En haut du tableau, dans une nuée, se trouve la Vierge Marie, portant dans ses bras l’Enfant Jésus, au visage bien expressif. 

Lucien Georges Léon GOUBERT est un dessinateur, un photographe et surtout un peintre talentueux. Il exercera son métier de peintre pendant une quarantaine d’années, maniant aussi bien huile, gouache et  aquarelle. Il est né le 27-06-1887 à Flamanville dans la Manche et décédé le 10-01-1964 à Rauville-la-Bigot (pays de sa femme, à 15 km de Flamanville). C’est vraiment un artiste du Nord-Cotentin. Ses parents étaient originaires de la Hague. Son père décédera en 1905 et sa mère en 1922.

– Il s’est marié le 31-07-1920 à Rauville-la-Bigot, avec Marguerite Constance Louise CORNAVIN, née le 19-07-1895 à Rauville-la-Bigot et décédée le 22-08-1957 à Rauville-la-Bigot. Le père de Marguerite CORNAVIN était boulanger et sa mère tenait le commerce. Son père décédera plutôt jeune en 1934 et sa mère reprendra à son compte la boulangerie en faisant appel à un boulanger. Ainsi, sa mère bien connue de tous, restera seule à la tête du commerce jusqu’à sa mort en 1952, mais elle sera quand même épaulée dans les dernières années de sa vie par son petit-fils André GOUBERT.

– Lucien GOUBERT et sa femme Marguerite CORNAVIN auront un enfant, André Louis Marcel GOUBERT, né le 6-05-1922 à Cherbourg et décédé en 1988. André GOUBERT s’est marié avec Raymonde en 1949 et ils reprendront tous les deux la succession de la boulangerie CORNAVIN, de Rauville-la-Bigot. André et Raymonde auront au moins un enfant, Jacques GOUBERT, né en 1957, qui aura au moins une fille, Julie. La postérité de Lucien GOUBERT, poursuit donc son petit bonhomme de chemin…

– Lucien GOUBERT est un artiste du terroir (un artiste de t’cheu nous) qui possédait une bonne et belle renommée ! Il peignait aussi bien la mer que la vie intérieure des campagnes mais il avait toutefois une petite prédilection pour les marines (parfois on disait de lui : « Le peintre de la mer »). Il se fera connaître entre autres pour ses affiches des Foires exposition de Cherbourg, ainsi que pour de la « publicité » (magasins Ratti, notamment avec ses calendriers de fin d’année, le « Café du Vieux Pêcheur », et autres).

Le café du Vieux Pêcheur était produit par un torréfacteur cherbourgeois et les paquets de café étaient embellis par un dessin de Lucien GOUBERT, représentant un vieux pêcheur dans une barque dans le port de Cherbourg. Ci-joint une double photo montrant à gauche l’affiche de la Foire exposition de Cherbourg en 1932 avec le dessin d’origine de Lucien GOUBERT et à droite la « publicité » qui interviendra un peu plus tard sur les paquets de café du Vieux Pêcheur. La production de ce café vénérable qui avait commencé à Cherbourg dans les années 1930 prendra fin en1990. (Photos : Wikimanche).

– Amoureux de la Hague avec entre autres Flamanville et Diélette, pays de ses origines, Lucien GOUBERT vécut principalement à Cherbourg, mais aussi à Bricquebec et Rauville-la-Bigot. Pour les vieux Cherbourgeois comme moi, Lucien GOUBERT est un incontournable de notre culture du 20e siècle, grâce notamment aux fameux paquets de café du Vieux Pêcheur si bien décorés par Lucien GOUBERT. Quand j’étais enfant dans les années 1950, la bonhomie de ce vieux pêcheur dans sa barque sur les paquets de café me fascinait. Et que dire des séances pour moudre le fameux café ! Car en ce temps là, le café était vendu en grains et il fallait le moudre avec un moulin à café à manivelle. Et le « spectacle » du broyage du café était un vrai enchantement ! 

Carte postale ancienne, probablement des années 1920. A noter le terme : « Monument des Soldats »
A l’inverse des deux grands monuments des églises de Gonneville et du Theil, on peut mentionner à 10 km de là, un « petit » monument en pierre (peut-être 0,80 x 0,50 m) à l’église de Varouville. Belle représentation en miniature d’un Mémorial. De bas en haut : à la base, deux drapeaux mis à l’horizontal, avec un casque et la croix de guerre. Puis au-dessus : probablement un aumônier militaire face à un soldat agonisant tenant le drapeau de la France; sur la gauche, un « Poilu » dans sa tenue traditionnelle avec son fusil; sur la droite, un guerrier gaulois avec son épée (on peut y voir Vercingétorix qui au même titre que Jeanne d’Arc, faisait partie à l’époque des grandes figures héroïques de notre pays, où se mêlent courage et résistance face à l’envahisseur); le coq symbole de la combativité de la France mais aussi symbole chrétien; une Piéta; de chaque côté de la Piéta les dates de 1914 et 1918 ; l’inscription « La paroisse de Varouville à ses morts glorieux »; deux pots à feu; deux anges au sommet; et bien sûr les noms des soldats morts au combat encadrés par deux pilastres. Difficile de faire si complet dans un espace si restreint. Un (tout) petit Monument aux morts de grande qualité. 

2) Pour poursuivre agréablement la lecture de cet article, nous proposons ci-dessous 2 sites.

Celui d’un descendant du peintre avec beaucoup d’illustrations :

http://www.lucien-goubert.fr/

et vers Wikimanche, qui distille une série d’images des plus intéressantes. On y découvre des incontournables de notre artiste bien-aimé Lucien Goubert, comme par exemple « Le café du Vieux Pêcheur » ou le non moins fameux « No va t’cheu Ratti » (on va chez Ratti, le grand magasin cherbourgeois à la mode dans les années 1920). A noter que les deux dernières vignettes de Wikimanche concernent d’anciens numéros de 2014 de la revue « La Voix du Donjon », basée à Bricquebec, avec des articles de qualité sur le sujet (et a priori numéros toujours disponibles).  A remarquer une œuvre séduisante, « Le Faucheur », probablement des années 1930, qui illustre l’un des numéros.

https://www.wikimanche.fr/Cat%C3%A9gorie:Lucien_Goubert_(image)

– Bon à savoir aussi : l’Association culturelle « 3 Angles », basée à Cherbourg, a sorti un livre en 2014, écrit par Emmanuelle Lemesle, intitulé : « Sur les pas de Lucien GOUBERT, peintre et photographe ». Très bien documenté, le livre propose deux parties : une partie « historique » bien illustrée et une deuxième partie avec des clichés réalisés par Lucien GOUBERT qui était aussi à ses débuts photographe, comme l’indique le titre du livre. L’édition est épuisée mais l’ouvrage se trouve en bibliothèque (et il vaut la peine d’être lu…).

– Enfin, il faut citer dans la bibliographie, un article de la revue « Le Viquet », No 94 de 1991, écrit par Lucien LEPOITTEVIN et ayant pour titre : « Lucien GOUBERT, peintre du Cotentin ». « Le Viquet » a été probablement l’une des premières revues régionales à s’intéresser au sujet et on ne peut que féliciter ses auteurs. Cet ancien numéro est épuisé, mais il peut se trouver en bibliothèque.

avec sa fiche wikimanche : https://www.wikimanche.fr/Lucien_Goubert

3) Nota : Le tableau de Lucien GOUBERT du retable de l’église du Theil est en bonne place (photo à l’appui)  dans l’un des deux numéros de la « Voix du Donjon », revue dont il a été question plus haut. 

Délicieux tableau de Lucien GOUBERT, « Le Marché de Bricquebec » (ou le marchi d’Bricbé, en patois) aux environs de 1920 (ou peut-être plus tardif ; dommage Lucien GOUBERT ne datait jamais ses oeuvres). Sur la gauche au premier plan figure un personnage bien sympathique de l’époque : Louis HAMEL (1877-1941), le fameux Potier de Néhou. Il étale devant lui ses productions posées à même le sol (par exemple, un grand vase ou un grand pot plutôt ventru avec deux « oreilles », pour conserver généralement le lard, appelée dans nos campagnes « sinot ». On peut voir aussi un peu plus loin des cruches et sur la gauche au premier plan, une cafetière. A noter que Louis HAMEL aura 4 fils dont Alphonse (1911-1977) qui reprendra tardivement l’atelier de son père. Mais hélas le four s’arrêtera définitivement en 1976. (Photo : Le Clos du Cotentin).
– Ce tableau, ou plutôt ce chef-d’oeuvre, a valu à Lucien GOUBERT, le premier prix de l’Exposition des Artistes Bas-Normands décerné par la ville de Caen. a priori dans les années 1930.

Louis Auguste Jean HAMEL 1877-1941

 Alphonse Paul Alfred HAMEL 1911-1977

Une réponse sur “Lucien GOUBERT, un peintre à l’église du THEIL, dans le Val-de-Saire”

  1. Le fonds Lucien Goubert aux AD de la Manche possède plusieurs photos de ce tableau en atelier : 14 Fi 542 à 14 Fi 549.
    Pour la petite histoire la vierge serait Marguerite CORNAVIN, l’épouse de Lucien GOUBERT, et l’enfant Jésus Jean CHOUBRAC né en octobre 1917, l’ambulancier et l’autocariste bien connu à Cherbourg dans les années 1950 et 1960.
    Lucien GOUBERT et Fernand CHOUBRAC (père de Jean) étaient des proches, voir dans la bibliographie citée dans l’article. Fernand est témoin au mariage de Lucien et de Marguerite.

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