Gilles de Gouberville possédait à Cherbourg une maison grâce à laquelle il pouvait se prévaloir du titre de bourgeois de la ville. Était-elle déjà louée tout ou partie de son vivant ? On sait bien peu de choses en réalité sur cette maison, rarement évoquée dans son journal.
C’est en musardant dans le chartrier du château de Saint-Pierre-Église, fréquenté assidûment, que j’ai trouvé ce bail de la fin du XVIe siècle, perdu au milieu de plusieurs liasses de manuscrits aussi anciens que lui1. En y regardant de plus près j’ai réalisé qu’il concernait cette maison de ville que possédait Gilles de Gouberville à Cherbourg.
Lorsqu’il mourut en 1578, une partie de la succession de GdG. fut recueillie par sa sœur Renée de Gouberville, épouse de Jacques du Moncel, seigneur de Saint Nazair. En 1583, nous sommes donc quelques années seulement après sa mort.
Le bail est établi pour une durée de trois ans par Jacques du Moncel – représentant sa femme – à Martin Sanson, originaire de Vauville. Il ne porte que sur une (petite ?) partie de ladite maison et ne nous livre à vrai dire que des informations fragmentaires sur l’édifice. Cette maison, qualifiée de manoir, est située près du cimetière de l’église. La partie louée est une salle manifestement dotée d’une porte solide et fermant à clefs, avec des fers aux ouvertures et correctement vitrée (on sait que GdG. connaissait un bon vitrier à Cherbourg, Guillaume Le Roux, dont il avait utilisé les services au Mesnil).
Au final, ce bail, transcrit ci-dessous, ne permet pas d’appréhender la consistance et la localisation exacte de ce manoir urbain. Il est minimaliste : si on retranche du texte les formules de droit (elles-mêmes abrégées par des etc.), il reste peu à en tirer. Mais je n’exclus pas la possibilité de dénicher un jour d’autres baux, plus détaillés, de cette maison et de venir à bout de ce puzzle.
« L’an mil cinq C quattre vingtz et troys, le samedy cinquiesme jour de mars à Cherbourg.
Fut present noble seigneur Jacques du Moncel, seigneur de Sainct Nazair et Vascoigne, qui bailla à louage à Martin Sanxon de la parroisse de Vauville, à present demeurant audict lieu de Cherbourg, à ce present, jusques à troys ans commenceantz au jour sainct Martin en novembre derrain passé et finissantz.
C’est assavoir une salle assise en cedict lieu de Cherbourg en ung corps de manoir apartenant audict Sr bailleur à cause de la damoiselle sa femme, nommé La Maison Gouberville, estante prez le chemytiere de l’eglise dudict lieu, qui est la salle du parmy2 dudict logis telle etc., dujourd’huy bien et deument fermée, ferrée et vittrée avec aller et venir à ladicte salle par les lieux à ce acoustumez.
Et est ce faict par le prix et somme de deux escus sol par chacun an que ledict preneur c’est submys et obligé par corps et biens en payer audict Sr bailleur à la fin de chacunne annez et ainsy d’an en an etc. Promectantz garantir vers tous etc., et tenir quicte de toulte choses etc., et à ce tenir etc., presens Me J[…]3, licencié aux droictz, procureur du roy, et Regné Regnet, bourgeois de Cherbourg.
[Signatures :] J. Dumoncel, merque dudict preneur, Delamer 1583 »
Par son mariage avec Gilles de Crosville, Gillonne du Moncel, seule héritière du sgr. de Saint-Nazair, fit passer (entre autres) cette maison dans la famille de Crosville, laquelle possédait encore « La Maison de Gouberville » en 1632.
Guillaume Roupsard
1 Chartrier du château de Saint-Pierre-Église. AD50 150J 1336.
2 Du milieu.
3 Texte masqué par la reliure de la liasse.