Retour à Carquebut – 1634

Marguerite Le Pelley, veuve de Jean Truffaut, écuyer, sgr. de la Porte, fait réédifier la chapelle Saint-Anne en l’église de Carquebut et en contrepartie obtient des patrons, gentilshommes, prêtres et paroissiens du lieu, un droit de séance et de sépulture dans ladite chapelle pour elle et ses héritiers.

L’acte transcrit ci-dessous, du 9 octobre 1634, provient du tabellionage de Sainte-Mère-Église1 et fait suite à notre publication « Le 6 juin 1644 à Carquebut », on y retrouve les mêmes protagonistes mais dix ans plus tôt. Marguerite Le Pelley est déjà veuve à cette date. Pour asseoir la notabilité de la famille Truffault, fraîchement anoblie, et son influence dans la paroisse, elle obtient pour les siens le droit de relever une des chapelles de l’église, alors en ruine, et d’en faire une chapelle privée et funéraire. L’acte est très instructif. On y trouve quelques indications généalogiques, et du point de vue architectural il nous révèle l’existence de cette ancienne chapelle latérale. Il est aussi question des conditions à remplir, en particulier des règles que la famille devra respecter si elle souhaite faire apposer ses armes sur une litre2. Dans les années qui suivirent plusieurs membres de la famille Truffault seront inhumés « dans la chapelle du sieur de la Porte » autrement nommée la chapelle Saint-Sébastien, ce qui nous apprend que la reconstruction de cette chapelle s’est aussi accompagnée d’un changement de dédicace.


Du dimenche vingt neufiesme jour d’octobre 1634 à Carquebu, issue de la messe pairoyssialle de ladicte parroysse, devant lesdicts Alles et Gouhier etc.

Fut presente damoyselle Marguerite Le Pelley, veufve de feu Jean Truffaut, vivant escuier sieur de la Porte, lieutenant general en la jurisdiction de vicon à Carentan, pour elle et comme tutrice de Jacques, Jean, Anthoine et Thomas Truffaut, escuiers, leurs enfans, de la pairoysse de Carquebu.

Laquelle, sur la proposition par elle faicte à Me Michel Gavelot, presbtre curé de ladicte pairoysse, et aux tresorier et marguiliers d’icelle, que pour la decoration de l’eglise d’icelle pairoysse, augmentation du tresor et commodité desdicts enfans et d’elle, elle desireroit fere redifier une chapelle estant dans ladicte eglise estant à present ruinée de voutes et de vitres et non fermée, apellez la chapelle Saincte Anne, joincte et au dessous de la chapelle de Vassy3.

Ledict curé avoit remis la disposition de ce que dessus à la volonté et consentement des seigneurs patron, gentilzhommes, presbtres et clers et communs pairoyssiens de ladicte pairoysse, et que ladicte damoyselle eust à se retirer par devers eux pour leur en parler et conferer.

Du jourd’huy ladicte damoyselle aux quallitez susdictes à remonstré4 [tant] audict sieur curé que noble segneur Thomas de Franquetot, escuier, segneur et patron de Vindefontaine, Quierqueville, Vassy et aultres segneuries, et tuteur des sieurs enfans mineurs d’ans de feu Anthoine de Franquetot, vivant escuier segneur et patron de Carquebu, Jacques de Gourmont, escuier, sieur de Courcy et de Metot et Guillaume Michel, escuier, sieur du Port, Me Pascal Gaillard, presbtre vicaire d’icelle eglise de Carquebu, Nicolas de La Rive, Jacques Jouenne, Jacques Poysson et Richard de La Rive, presbtres d’icelle parroysse, [blanc] tresorier d’icelle, Me François Chevreul, advocat, Me Jacques de La Rive, Michel Chevreul sieur de la Ralliere, Jacques et Pierre Pierre [sic] Truffaut et Gilles Truffaut son filz, Pierre et Pierre Mouchel pere et filz, Richard Mostier et Michel Mostier, Nicollas et Charles Michel pere et fils, François Michel, Pierre Le François dict La Pierre, Pierre Dossier, Gilles Creuveul, Marin de La Croix, Jacques Pepin, Marin de Sainct Jores, Symon le Bailly, tous communs et habitans de ladicte parroysse.

Lesquelz, ayant ouy la proposition de ladicte damoyselle, ilz luy ont volonterement acordé et acordent par la presente que doresnavant pour elle, sesdicts enfans et leurs hoirs, ilz ayent leur sceance et sepulture dedans ladicte chapelle et à ceste fin ladicte damoyselle ou ses enfans la pouront fere fermer dempar la porte de la chapelle de Messieurs de Vacy, à condition et charge qu’elle la face vouter, mettre des vitres et blanchir, à charge aussy de l’entretien pour l’advenir tant de voutes, vitres que couverture et comme paier annuellement au tresor d’icelle eglise au terme Sainct Michel en septembre la somme de quarante soulz, et au curé, presbtres et clers vingt soulz pour chanter le Stabat Mater avecques le verset et l’oraison propre le Vendredy sainct et le Samedy de Pasques après vespres par chacun an.

Le tout ainsy accepté et acordé à ladicte damoyselle et aux sieurs ses enfans par les curé, presbtres et clers, segneurs patrons tant en leur non que qualité de tuteur, gentilzhommes et pairoyssiens cy dessus denommez, à promesse de part et d’aultre d’effectuer, fere et acomplir tout ce que dessus sans aller au contraire et sans que ladicte damoyselle et les siens puissent estre troublez à l’advenir en la paisible possession d’icelle chapelle et closture, moyenant ce que dessus.

Et au cas que ladicte damoyselle, ses enfans ou hoirs veullent mettre leurs armes et ceintures funebres à ladicte chapelle, ilz le pourront fere au dedans de ladicte chapelle close et fermez seullement et sans les pouvoir mettre dehors en telle sorte qu’ilz lessent la place au dessus pour mettre et aposer les armes et ceintures funebres desdicts sieurs patrons.

Et en cas de contredict par les dessusdicts, l’un d’eux ou leurs successeurs, heritiers ou ayant cause, ilz demeurent par ce present obligez de restituer et recompencer ladicte damoyselle, ses heritiers ou representanz des mises et emploittes qu’elle monstrera par les memoires et quitances qu’elle representera des manouvriers qui auront travaillé à ladicte chapelle, ainsy que des materiaux qui seront employez pour la closture et redification de partye de ladicte chapelle, dont elle representera aussy les memoires. Et ladicte damoyselle se pourra afranchir et decharger desdicts quarante soulz et vingt solz par elle donnez audicts tresor, presbtres et clers de ladicte parroysse en baillant rente fontiere ou heritage de parelle valeur annuelle.

Et ont aussy les dessusdicts acordé à ladicte damoyselle et ses enfans qu’elle face boucher l’huis de ladicte chapelle et le transporter au dessous du grand pilier de la nef, du mesme costé, le tout à ses frais et despens.

Ainsy faict et aresté par les dessusdicts, presences de Noel Le Marié et Pierre Bignon demeurant en ladicte parroysse, tesmoings.

Tous les dessusdicts ainsy que ladicte damoyselle, tesmoings et tabellions, reservé5 lesdicts Nicollas Michel, Pierre Mouchel filz, lesdicts François et Michel Chevreul, Jacques Pierre et Pierre Truffaut, signez et merchez à la notte de ce present.

[Signatures :] Alles, Gouhier


La documentation n’est pas abondante concernant cette église Saint-Ouen de Carquebut bien qu’elle ne manque pas d’intérêt. Une visite sur place n’a pas permis de déterminer laquelle des chapelles subsistantes était la chapelle Saint-Sébastien. La chapelle seigneuriale des de Gourmont (chapelle de Courcy ou grande chapelle de la Vierge) est facilement identifiable au nord, mais pour les autres (chapelles Saint-Nicolas, Saint-Sébastien, Sainte-Catherine, Notre-dame-de-Pitié) c’est bien plus compliqué en raison du manque d’indices et de l’effacement des inscriptions sur les dalles funéraires qui s’y trouvent. Notre chapelle Saint-Sébastien est sans doute une des deux chapelles sud6. Serait-ce la chapelle Notre dame du Rosaire ? Toute personne ayant des informations à ce sujet peut bien sûr laisser un commentaire ci-dessous.

Guillaume Roupsard


Au fond, une des deux chapelles sud avec le retable et le tableau du rosaire
(l’ancienne chapelle saint Sébastien ?)


1 Notariat de Sainte-Mère-Église. AD50 5E10466.
2 Sur ce thème des litres funéraires : P. Bodin. A propos des litres seigneuriales in Revue de la Manche. Tome 45, fasc. 177, janvier 2003, p.48.
3 Le fief de Vassy relevait par un demi-fief de haubert du fief de Courcy en Carquebut. A cette époque les de Franquetot en étaient les seigneurs. Rémy Villand. Carquebut in SAHM. Mélanges, 4ème série, 1975.
4 Exposé.
5 Sans doute dans le sens de : hormis ceux qui sont cités ensuite et qui n’ont ni signé ni marqué.
6 Remy Villand, s’appuyant sur la notice de l’abbé Lelégard, note qu’en 1968 on trouve dans la chapelle sud : un retable du 17e siècle avec charmant tableau du rosaire, des stalles du 18e et une bannière de saint Sébastien. SAHM. Mélanges, 4ème série, 1975, p.186.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *