En 1701, convaincu par les vertus supposées de l’air qu’un chacun peut respirer en la paroisse de Gonneville (Manche), le seigneur du Mesnil-Eury demande l’asile sanitaire au seigneur de Gonneville son fils…
« L’an mil sept cent un, le mardy vingtieme jour de septembre à Carneville, en la maison de Nicolas Planques, fils Thomas, sur les huit à neuf heures de matin, devant nous Charles Michel notaire royal audit lieu soussigné1.
Furent presens Messire Jean du Mesnilury, seigneur et patron du lieu et autres lieux, terres et seigneuries, et Messire Charles de Mesnilurry, son fils, chevalier, seigneur patron et chastelain de Gonneville, Vasteville, Hubertant, Saint Louet sur Lozon, Maupertus et autres terres et seigneuries.
Ledit sieur du Mesnilurry ayant esté très malade et infirme en sa terre du Mesnilurry2, et les medecins luy ayant conseillé de changer d’air pour tascher de recouvrer la santé, ce qui l’avoit obligé de venir chez ledit seigneur de Gonneville son fils où il s’est mieux porté, l’air luy estant favorable, dujourd’huy il a requis ledit son fils de vouloir bien luy bailler une chambre de son chateau et pourvoir à sa nouriture et à celle d’un vallet et d’un laquais, et l’assister dans son infirmité et de luy aider de ses domestiques, luy nourir deux chevaux en son escurye, et à l’herbe avec les siens, comme il avoit fait depuis qu’il estoit arrivé depuis le mois d’octobre dernier au chateau de Gonneville, et que pour cet effet, il luy donneroit annuellement la somme de huit cents livres.
Ce que ledit seigneur de Gonneville a accepté, et ont tous deux consentys et accordé que quelques demeure qu’ils fussent ensemble, ils n’aquierons aucunes communité de biens sans estre prenables des suits et debtes les uns des autres, renonceant ledit seigneur du Mesnilurry à pretendre autres meubles que ceux qui sont ou serons dans la chambre où il couche, lesquelz meubles en cas qu’il quitte ladite demeure il pourra rellever, reconnoissant ledit seigneur du Mesnilurry que dans les bahuts il n’y a que quelques linges et hardes à son usage. De tous lesquelz meubles estant dans ladite chambre à esté fait un memoire double signé desdits seigneurs. Reconnoissant pareillement ledit seigneur du Mesnilurry que ce qu’il avoit d’autres meubles, oultre ceux contenus audit memoire, il en a disposé par inventaire et vente et ainsy qu’il l’a trouvé à propos pour satisfaire à quelques debtes dont il estoit chargé et pour ses intentions particulieres.
Ce que dessus convenu et accepté par ledit seigneur de Gonneville pour le respet et amitié qu’il a pour le sieur son pere sans que cependant, comme dit est, pour raison de ladite demeure il puisse y avoir aucunes communité de biens entre lesdits seigneurs du Mesnilurry et de Gonneville, ny que le present les puisse prejudicier à leurs pretentions et demandes respectives d’entreux. A quoy faire et entretenir ils ont obligé tous leurs biens presents & advenir.
Ce fut fait aux presences de Jean Mathelot dudit lieu de Carneville et Yves Mathelot son fils, Jean Planques dudit lieu et Michel Bourdet de Theville, presences desquels lecture a esté faite suivant l’ordonnance.
[Signatures :] Du Mesnilurry Hubertant, Charles du Mesnilurry, J. Mattelot, Yve Mattelot, M. Bourdet, Planque, + marque dudit Nicolas Planques, Michel notaire ».
Ainsi, dès le mois d’octobre 1700, souffrant, Jean du Mesnil-Eury avait quitté sa résidence habituelle pour s’installer chez son fils à Gonneville. La cohabitation père fils ne dura guère puisqu’il fut inhumé à Gonneville le 1er juin 17021, probablement âgé de plus de 70 ans. Au moins aura-t-il respiré sur ses vieux jours un air de qualité…
Guillaume Roupsard
1 Notariat de Saint-Pierre-Église. AD50 5E11325.
2 Le Mesnil-Eury. Ancien canton de Marigny, arrondissement de Saint-Lô.
3 BMS Gonneville, registre E5 (1700-1711). AD50 5Mi1936, vue 27 pd.